Œuvres du répertoire, pièces d’auteurs vivants, écrits adaptés pour la scène… grandes formes ou formes légères, les projets que nous proposerons viseront le sens de ce que nous vivons ici et maintenant, ils raconteront le monde comme il va et comme il ne va pas, et revendiqueront dans un même élan la nécessité de la parole poétique et le plaisir du jeu d’acteur.
Deux projets dramatiques seront crées entre 2013 et 2015. Ces deux projets de créations auront en commun une même quête théâtrale : la parole, l’art de l’acteur, l’espace d’une présence formulée. Ils exploreront le langage comme révélateur et outil exploratoire de l’humain. Deux auteurs classiques, Shakespeare et Beckett posent tous deux les questions : Qu’est-ce qu’un homme ? Comment ouvrir, observer, démonter, réinventer, sur scène, un homme, avec des mots ?
RICHARD III de William Shakespeare, dans une nouvelle traduction de Dorothée Zumstein, inaugurera ce nouveau projet. A cette occasion, nous poursuivrons notre compagnonnage artistique né en 2007 lors de la création du Roi Lear avec l’acteur Dominique Pinon qui interprètera le rôle titre. Il sera entouré de neuf comédiens : Thierry Gibault, Nine de Montal, Martine Schambacher, Jean-Claude Bolle-Reddat, Amaury de Crayencour, Jessica Martin, Pierre Hiessler, Pauline Huruguen, David Houri.
L’exploration de ce monument du théâtre mondial, de cette « Pièce/Personnage » et de sa construction à vue, en adresse publique. Comment une royale réunion de famille, devient un champ de cadavres, et puis revient… en cohorte tourmentante de fantômes actifs. Autant d’évènements, autant d’occasions pour une troupe d’acteurs cherchant un langage et un jeu directs, presque brut, pour incarner et diffuser publiquement l’ « irrésistible ascension » d’un monstre. Une tragédie à bout de souffle, convoquant la présence dramatique pour incarner la terreur, le courant immémorial et fascinant du pouvoir, pulsion destructrice et, paradoxalement, carburant de vie qui traverse l’homme, quelle que soit son époque, quelles que soient ces guerres. Un des plus beau « portrait du mal » jamais brossé par un dramaturge. Une pensée, un souffle, une partition inépuisable, un matériau où puiser, une question brûlante à poser, à éprouver collectivement.
Les répétitions sont prévues à partir de novembre 2013, et la pièce sera créée dans le premier semestre de l’année 2014.
Le Théâtre de l’incendie produira cette création. Des partenariats se consolident autour de ce projet avec notamment les coproductions des Centres dramatiques de Vire, de Sartrouville, des soutiens de la Comédie de Saint-Etienne, du Théâtre de Villefranche sur Saône, du T2G, du Centre dramatique régional de Tours …
EN ATTENDANT GODOT de Samuel Beckett, sera notre seconde création.
NOTES D’INTUITION
Vivre et inventer
Il est toujours urgent et rassérénant, de faire entendre, de se faire surprendre par l’actualité et l’éternité d’un texte fondamental. Celui qu’on classait au XXème siècle dans le Théâtre de l’absurde, me semble une haute entreprise de l’art et de la raison mis en regard avec l’absurde de notre monde en crise, et du grand marché consumériste qui, lui, n’attend rien, pour noyer toute tentative de dialogue humain. En attendant Godot tourne le dos au divertissement, à la diversion, au renoncement, pour aborder joyeusement l’essentiel.
Attendre…Esperar…
L’homme attend quoi ? Peu importe finalement, que ce soit du travail, le train, l’amour, le Grand Jour, Dieu, la libération, un passeport, un repas, la mort, un manteau. L’homme a mille raison d’attendre. Ce qui est troublant – splendide mystère humain – c’est sa force, sa pulsion de vie, sa capacité à attendre, à espérer, à inventer. Cette énergie – parfois inquiète et torturée – mais, osons le dire, cette joie de durer.
Les raisons d’attendre, le désir, la folie ou le bonheur d’attendre sont plus intéressants à définir, à interroger que l’identité de Godot (identité sciemment cryptée par l’auteur pour déployer ses possibles – « Du reste il existe une rue Godot, un coureur cycliste appelé Godot ; comme vous voyez les possibilités sont presque infinies » répondit l’auteur.).
Et nous qu’attendons-nous ? Quel est ce fol espoir qui nous tient debout dans la catastrophe ?
Je vois dans Godot, en l’attendant, une tentative de définir l’humain – un combat contre l’absurde, une entreprise délicate et héroïque de civilisation, de civilité, de se tenir debout dans la catastrophe. Une oeuvre dramatique existentielle, mais aussi l’œuvre engagée d’un auteur politique. Des ruines de l’après guerre aux crises d’aujourd’hui, Godot est la tentative toujours recommencée de ne jamais renoncer au nom d’humain.
Maintenant je vais jouer
Attendre à deux, c’est commencer à jouer, en attendant…
Vladimir et Estragon nous font face et interroge l’homme, à la manière de deux enfants, de deux exilés au monde, et font apparaître – en attendant… – un nouveau monde avec de nouveaux mots, de nouveaux jeux.
Comme chez les aînés Chaplin et Keaton, c’est l’invitation à une ballade entre burlesque et mélancolie sur le chemin d’un temps et d’un espace relatifs, la jubilation d’un dialogue socratique sur le terrain vague, d’un éblouissant duo de clown. Un ping-pong existentiel, un duel, une étreinte, avec les chocs et la tendresse mêlés propre aux vieux couples.
Avec la mémoire et la musique des compères au long cours, les mots et les corps vagabonds se rapprochent, se chamaillent, s’attrapent, s’engueulent, ne se lâchent plus, se disent adieu et ne se quittent jamais…solitaires, solidaires… Le tragique est un carburant, un ressort. « Rien n’est plus drôle que le malheur ». On aborde le désespoir, on se penche au bord du gouffre, et on finit toujours ici par se pendre…au cou de l’autre. La quête philosophique débouche sur un besoin fou de chaleur humaine. La noirceur apparente de la situation débouche sur une lumière inattendue.
Attendre à quatre, et c’est déjà l’humanité toute entière…
Les visiteurs Pozzo et Lucky semblent des représentants de l’ancien monde, les rescapés d’un autre temps, ou bien les éternels dominant/dominés et leur perpétuel cirque tragicomique. Le silence de Lucky comme une question au monde, sa parole subite comme un fleuve asséché qui resurgit et déborde de tous les côtés, de toutes ses pensées en lambeaux. Vieux mots vidés de leurs sens, machine au bord de l’explosion ou bien urgence de renaître, nouvelle musique à inventer ?
Ecce homo, c’est le jeu des enfants…en attendant d’être grands.
Comme chez le maître Shakespeare, Tragédie et Comédie se sont retrouvées, et on s’inquiète, et on rit, de la cruauté, de la sauvagerie des rapports humains, et on s’étonne du plaisir de se retrouver. Difficulté d’être, rire énorme et mélancolie soudaine. C’est la chute dans le temps, puis la chute hors du temps, l’éternel retour, le voyage immobile, l’homme passé à la loupe, avec tendresse et lucidité. Samuel Beckett a déposé une charge qui n’en finit pas d’exploser.
Beckett, auteur politique, quoi qu’on ait dit, relie les étoiles et les navets, il invite le philosophe, le clown et le spectateur à la même table pour résister par le plaisir.
Il faut continuer. Je ne peux pas continuer. Je vais continuer.
La manière avec laquelle nous souhaitons porter cette œuvre à la scène est simple et radicale. Il s’agira d’être les lecteurs passionnés, les interprètes têtus d’une géniale symphonie, les arpenteurs d’une partition dramatique totale. Le texte, la ponctuation, les didascalies sont les balises d’un slalom de la parole et du jeu, ceux-ci appelant l’espace juste, l’espace et la lumière entrant en vibration avec la situation. Cette histoire là m’apparait fluide et directe, rythmée, proche d’un réalisme visité par l’expressionnisme (c’est à dire de la vraie poésie concrète). On pourrait parler de jouer le « tonus d’attendre », investir, incarner…une attente pleine de vie ! Honni soit qui symbole y voit, attendre est organique.
La distribution est le premier acte fort de la mise en scène. Je convoquerai un quatuor d’acteurs (cinq avec l’enfant qui vient à la fin de chaque acte) talentueux, engagés et partageurs. Des athlètes du verbe, des acteurs habité par la présence, prompts à restituer la dimension concrète, humaine, et en même temps l’étrangeté, la densité propre aux personnages et aux situations inventées par Beckett.
Explorer aujourd’hui cette formidable machine à jouer, c’est affirmer le désir d’ouvrir le maximum de niveaux de lecture de cette œuvre rayonnante, en permettant à tous, futurs spectateurs, d’être des partenaires actifs et enchantés de l’œuvre, du voyage.
Je me souviens de ces paroles dans une chanson de Léo Ferré : Les gens il conviendrai de ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâles de la nuit, avec des problèmes d’hommes, simplement, des problèmes de mélancolie… et de cette réponse de Bram Van Velde à qui l’on demandait la raison des coulées de peintures sur certains de ses tableaux : « Mais… la vie coule ! »
Ce qui me fascine avec le théâtre c’est effectivement de pouvoir réunir dans un même élan le savant et le populaire, et d’affirmer, des premières répétitions aux dernières représentations le désir de travailler à ouvrir ensemble, et à offrir à tous l’œuvre la plus exigeante, comme objet sensible élargissant la perception et éveillant la pensée. Et tout cela dans la plus grande joie d’être. Attendre quelque chose ensemble.
Nous créerons cette pièce dans le cadre de l’Estival de la Bâtie d’Urfé en juillet 2015 et préparons une tournée de création pour la saison 15/16.
LE RÉPERTOIRE : convaincu que le temps, l’épreuve de la durée est une richesse pour une pièce, pour une équipe d’acteurs, pour la vie d’une mise en scène et la rencontre avec les publics, nous travaillerons à la création d’un répertoire de la compagnie.
Ainsi, dès l’année 2013 deux pièces contemporaines seront au répertoire :
Sainte dans l’Incendie qu’interprète la comédienne Laurence Vielle sera joué :
Au Théâtre des Halles en Avignon les 9 et 10 février 2013, au Théâtre du Rond-Point à Paris du 21 avril au 26 mai 2013, au Centre dramatique national de Montpellier du 28 au 31 mai 2013, à Saint-Benoit de la Réunion…, une tournée se construit pour la saison 2013/2014.
A portée de Crachat, de l’auteur palestinien Taher Najib, qu’interprète le comédien Mounir Margoum, sera joué :
A la Comédie de Ferney Voltaire les 15 et 16 mars 2013, au Centre dramatique régional de Vire les 15, 16 et 17 mai 2013, au festival V.O en Soissonnais le 20 mai 2013, une tournée se construit pour la saison 2013/2014 avec un accueil au Théâtre du Rond-Point au printemps 2014.
Parallèlement aux spectacles crées et diffusés, la recherche, l’expérimentation sont une dimension essentielle de notre travail. Il s’agit de poser comme ambition et rigueur artistiques, le temps et l’espace du rêve et de sa mise en jeu, indispensables ressources de notre art collectif.
Nous désirons explorer des textes d’hier et d’aujourd’hui et les mettre à l’épreuve du jeu. Nous souhaitons confronter de nouvelles écritures avec les « arts frères » (le son, la musique, le cinéma, …). En relation avec chacune des œuvres explorées, acteurs et collaborateurs (cinéastes, traducteurs, auteurs, musiciens, éclairagistes, danseurs, circassiens etc.) seront choisis et invités.
Notre travail d’expérimentation poursuivra plusieurs chantiers concrets :
Théâtre et cinéma : nous réaliserons un travail théâtral et cinématographique à partir de l’oeuvre de Paul Claudel : Tête d’Or. Accompagné du réalisateur Pierre Grange, des comédiens : Philippe Baronnet, Olivier Constant, Albert Delpy, Nine De Montal, … et des musiciens Jean-François Pauvros, Bob Lipman, Dominique Lentin. Ce laboratoire constituera le début d’un dialogue entre langage théâtral et langage cinématographique, recherche que nous souhaitons approfondir pendant les trois années à venir.
Théâtre radiophonique : Tous ceux qui tombent, pièce radiophonique de Samuel Beckett, est le matériau d’un théâtre de voix et de sons. Elle propose dix rôles, dix voix, (un record dans les œuvres théâtrales de Beckett). Nous réunirons à cette occasion dix acteurs : Martine Schambancher, Albert Delpy, Elya Birman, Philippe Baronnet, Nine de Montal, Eric Borgen, Mireille Mossé, Thierry Gibault etc. et le créateur son François Chabrier. Nous avons la volonté que ce laboratoire dramatique aboutisse à un enregistrement, puis à une édition originale dans le cadre d’un partenariat avec les Editions de minuit et à une diffusion radiophonique dans le cadre d’un partenariat avec France culture.
Théâtre et musique : A la suite des mises en scène récentes d’opéra Le Château de barbe bleue de Bela Bartok, La Voix humaine de Poulenc, l’Opéra de quat’sous de Kurt Weill et Bertolt Brecht, nous poursuivrons la recherche d’un théâtral musical avec les collaborations des pianistes et chefs d’orchestre David Greilsammer et Samuel Jean.
La transmission a toujours été essentielle dans les projets que nous avons développés. Nous nous inscrirons chaque saison dans des dispositifs de formation à destination des comédiens professionnels. Soit à l’invitation de structures : en 2013 nous animerons une formation théâtrale au Théâtre Carouge à Genève, une formation en direction des « compagnons » au CDR de Rouen et une troisième à destination des circassiens de l’Académie Fratellini à Saint-Denis.
Nous serons aussi à l’initiative de projet de formation, dans le cadre de la formation professionnelle continue, dans le cadre des stages AFDAS ou en collaboration avec l’association des Chantiers Nomades avec lesquels nous avons collaboré à plusieurs reprises.
A côté de la transmission en direction des comédiens professionnels nous souhaitons poursuivre notre engagement dans des actions de formation ou de sensibilisation en direction des publics amateurs. Ceci dans le cadre de l’accompagnement de la diffusion de nos créations dans les théâtres partenaires ou à l’invitation de structures dans le cadre d’actions spécifiques de développement des pratiques amateurs.
Le Théâtre de l’Incendie sera basé à Saint-Etienne, en région Rhône-Alpes, et aura vocation à rayonner sur l’ensemble du territoire national.